Aujourd’hui, le micro-travail est accessible en France à travers de dizaines de plateformes numériques où des milliers de personnes réalisent chaque jour des micro-tâches payées très faiblement. Le rapport “Le Micro-travail en France” se penche sur les caractéristique socio-démographiques de cette population invisible qui contribue au développement des intelligences artificielles.
Le micro-travail est une forme émergente de travail sur les plateformes numériques. Cette activité rémunératrice consiste à réaliser des tâches très fragmentées (micro-tâches), payés généralement à la pièce. Le plus souvent, elles nécessitent une faible qualification pour une rémunération tout aussi faible, de l’ordre de quelques centimes.
Le-Micro-Travail-En-France_DiPLab-2019Un secteur en pleine expansion
Le rapport “Le micro-travail en France” présente les résultats du projet de recherche DiPLab, la première enquête entièrement consacrée au travail sur les plateformes de micro-tâches françaises. Selon ses résultats, le micro-travail est aujourd’hui accessible aux travailleurs français à travers au moins 23 plateformes. Environ 260 000 personnes micro-travaillent au moins occasionnellement en France. Si tous ne micro-travaillent pas chaque jour, il s’agit d’un large réservoir dans lequel l’industrie du numérique peut puiser selon ses besoins.
En particulier, le micro-travail tient un rôle prépondérant dans le développement de l’intelligence artificielle (IA). En réalisant des tâches répétitives, les micro-travailleurs annotent, préparent, enrichissent les bases de données qui sont nécessaires pour la production d’algorithmes, d’enceintes connectées, d’assistants virtuels.
Le profil socio-démographique des micro-travailleurs en France
Dans le cadre du projet DiPLab, dix chercheuses et chercheurs ont analysé des données natives du web, administré des questionnaires en ligne à près de 1000 micro-travailleurs, et réalisé plus de 90 entretiens auprès de travailleurs, entrepreneurs et propriétaires de plateformes.
➡️56% des enquêtés sont des femmes ;
➡️63% ont entre 25 et 44 ans ;
➡️ces micro-travailleurs sont plus diplômés que la moyenne nationale.
La distribution géographique du micro-travail suit la répartition de la population active et du revenu national. Si le micro-travail n’est pas un phénomène exclusivement urbain (ni exclusivement parisien), il ne semble pas pour autant constituer une opportunité d’accès au marché du travail et d’augmentation du pouvoir d’achat pour des populations rurales ou des résidents dans des départements à faible revenu.
Le revenu mensuel moyen qu’apporte le micro-travail en France (toutes plateformes confondues) est très inégalement distribué, avec une moyenne d’environ 21 euros par mois. Un revenu parfois complémentaire—très souvent nécessaire, surtout pour les nombreuses personnes inactives ou vivant en dessous du seuil de pauvreté.
Le micro-travail, un rôle clé dans l’essor de l’IA hexagonale
En France, le micro-travail tient un rôle prépondérant dans le développement de l’intelligence artificielle (IA). En réalisant des tâches répétitives, les micro-travailleurs annotent, préparent, enrichissent les données nécessaires pour produire ces technologies. En échange de rémunérations oscillant entre quelques centimes à quelques euros, ils exécutent trois types de micro-tâches :
➡️entraînement d’IA : les micro-travailleurs génèrent et annotent de grands bases de données utilisées pour calibrer les solutions d’apprentissage automatique (machine learning) ;
➡️vérification d’IA : les micro-travailleurs supervisent les technologies d’IA existantes, en corrigeant et en vérifiant leurs résultats ;
➡️imitation d’IA : les micro-travailleurs exécutent des tâches humaines qui sont successivement présentées comme des résultats d’intelligence “artificielle”.
Des questions URGENTES pour le législateur, les entreprises et les partenaires sociaux
Emploi, entreprises, marchés : le micro-travail rend évident l’impact de la technologie sur l’économie et modifie jusqu’à la notion même de métier. C’est pourquoi il est urgent de mesurer les conséquences de ces nouvelles formes de travail sur la société. Comment réguler cette nouvelle force de travail et renforcer sa protection sociale parfois inexistante ? Surtout, étant donnée la place prédominante du micro-travail dans le développement et la commercialisation de solutions d’intelligence artificielle, comment s’assurer que la contribution des travailleurs à l’innovation technologique soit reconnue à sa juste valeur ?
L’enquête DiPLab
Le projet DiPLab (Digital Platform Labor) a été conduit au sein de Télécom ParisTech (grande école spécialisée dans les sciences et technologies) et du LRI (Laboratoire de recherche en informatique) du CNRS. Le projet a bénéficié d’un financement de la part du syndicat cgt-FO (dans le cadre de l’agence d’objectifs FO-IRES 2017), ainsi que de deux financements additionnels, respectivement de France Stratégie, une institution rattachée au Premier Ministre, et de la MSH Paris Saclay (dans le cadre de l’appel à projets « Maturation 2017 »). (contacter DiPLab)